Culte à l’emporter samedi 9 mai 2020

Bonjour et bienvenue au nom du Seigneur !

Chaque jour, en temps normal, nous disons “bonjour” à de nombreuses personnes, nous saluons et nous sourions à beaucoup de gens.

Aujourd’hui, ce n’est plus possible, du moins plus comme avant…

Avant d’invoquer la présence du Seigneur, je vous invite à prendre quelques minutes de silence pour visualiser les membres de la communauté paroissiale qui vous sont proches, les saluer de manière imaginaire et leur souhaiter un très bon moment de culte.

Prière

Dieu de tendresse, Toi dont La main a créé le monde et tout ce qu’il contient, regarde et vois notre monde en souffrance, renouvelle notre espérance et notre fraternité.

Dieu de compassion, Toi qui te penches vers nous et qui es parfois ému jusqu’aux entrailles, regarde et vois notre fragile communauté dispersée et en attente, renouvelle notre foi et notre amour.

Dieu de pureté, Toi qui façonnes l’homme comme un vase d’argile dans les mains d’un potier, regarde et vois nos cœurs assoiffé de présence, façonne et purifie nos vies à l’écoute de ta parole.

Dieu proche et humble, nous voici devant toi, pour t’accueillir dans le visage du Christ ; ouvre nos bouches à ta louange, ouvre nos oreilles à ta parole, touche nos cœurs par ton Esprit. Amen.

Chant : Dieu de tendresse qui parle aux humbles (Chemin Neuf)

Marc 1, 40-45

Un lépreux vint trouver Jésus ; il tombe à ses genoux et le supplie : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de compassion devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » A l’instant même, sa lèpre le quitta et il fut purifié. Aussitôt Jésus le renvoya avec cet avertissement sévère : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et donne pour ta purification ce que Moïse prescrit dans la Loi : ta guérison sera pour les gens un témoignage. » Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte qu’il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d’éviter les lieux habités, mais de partout on venait à lui.

Prédication

Durant ce temps de confinement, nous avons appris à nous tenir à distance…

A distance de nos proches (sauf si nous vivons sous le même toit), à distance de nos amis, ce qui signifie : ne plus se toucher, ne plus se prendre dans les bras, ne plus s’embrasser ou se donner la main…

Un nouveau mode de vie pour se protéger du virus, éviter qu’il ne se propage et que de nouvelles personnes se retrouvent infectées et risquent de mourir.

Il faut passer par là, nous sommes tous d’accord et moi la première, je continue de pratiquer les gestes barrières et à me tenir à distance… Mais je le constate : après plus d’un mois à ce régime, il y a quelque chose de l’élan vital qui est touché en moi, je suis « en manque » de relations de proximité, que ce soit avec les collègues, avec les amis, avec les membres de la famille. Je ne pense pas que je sois la seule et je serai intéressée de savoir ce qu’il en est pour vous qui me lisez…

Eh oui, nous ne sommes pas des robots qui peuvent nous contenter de rencontres à distance grâce à toutes ces techniques du sans contact : Skype, Teams, Zoom, Whatsapp et j’en passe…

« Ces techniques n’inoculent-elles pas un des plus vieux poisons de l’Humanité : la fascination dans laquelle nous sommes à être libérés de notre corps et de sa gravité. Nous rêvons d’une apesanteur qui nous délivrerait du poids du monde, de notre psyché et de l’impact des relations sur nos vies, heureux ou embarrassant. Chacun pourrait, libre comme l’air (…), communiquer sans rencontrer, sans toucher ou être touché. »

Nous sommes des êtres incarnés dans un corps et pour nous sentir pleinement exister, pour notre équilibre psycho-spirituel, pour ne pas ressembler à des êtres insensibles et frigides, nous avons besoin de sentir, de toucher, de parler, de regarder, d’écouter, d’exprimer notre affection dans une proximité physique et par des gestes de tendresse, de chaleur humaine…

Jésus lui-même tout au long de sa vie terrestre n’a cessé de montrer cette proximité, sous toutes ses formes, lui le Verbe incarné dans un être de chair et de sang. Jésus touche et se laisse toucher. Pensez à sa rencontre avec la femme hémorroïde qui a effleuré son manteau, à l’aveugle-né que Jésus guérit en posant ses mains sur ses yeux, à la femme qui a embrassé ses pieds de ses larmes d’un parfum de grand prix, au lavement des pieds où Jésus touche les pieds de ses douze disciples, etc. En même temps, Jésus pose clairement des limites à ce toucher, à cette proximité, quand il doit se protéger, quand il se dérobe à ses adversaires, quand il préfère rester à l’écart et ne pas être victime de son succès.

Aujourd’hui, je vous propose de méditer sur le récit de la guérison du lépreux, cet intouchable des temps anciens.

Du temps de Jésus, le lépreux devait crier « impur, impur » dans ses déplacements, pour ne pas être en contact avec les passants. Il devait respecter une distance de 100 mètres avec les personnes qu’il croisait…

Comme nous le lisons dans le livre du Lévitique au chapitre 13, le lépreux était condamné à vivre hors de la ville, dans les lieux déserts jusqu’à ce que la mort s’en suive ! Adieu la vie de famille, adieu la vie professionnelle et sociale, la vie à la synagogue n’en parlons même pas ! Nous ne pouvons pas imaginer l’ampleur des dégâts et des souffrances causés par une telle maladie …

La démarche de notre lépreux était très inhabituelle. En rencontrant Jésus, non seulement il péchait en enfreignant la loi, mais en plus, il rendait impur celui qui rentrait en contact avec lui ! Le voilà qui se jette sur Jésus, et s’exclame :

« Si tu le veux, tu peux me purifier ! »

L’humilité du lépreux de l’Évangile est bien dans le type de relation que crée le Christ : « si tu le veux… »

« Rien ne s’impose, mais dans la confiance réciproque tout est possible. »

Jésus n’a pas une réaction de répulsion et de distanciation. Tout d’abord il est touché jusqu’au plus profond, il est « ému de compassion ».

« La compassion de Jésus, c’est la miséricorde divine qui envahit tout son être jusque dans les profondeurs de ses entrailles. »

« La compassion de Jésus n’est pas à fleur de peau, c’est un bouleversement de la profondeur de son être. Il n’y a pas de vraie compassion sans passion : celui qui compatit vraiment pâtit lui-même. La compassion est une communion dans la souffrance… »

Jésus ne s’est pas contenté d’être remué au fond de lui-même, mais cette compassion l’a poussé à agir.

Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. »

Par son toucher Jésus rejoint le lépreux, il restaure le lien, ce lien perdu qui lui était refusé et qui va le permettre de renouer aussi avec la communauté.

C’est pour cela que Jésus le renvoie vers le prêtre pour qu’il constate la guérison, et le réhabilite dans la communauté et dans la société.

« Comme dans ces religions d’Orient où certains font partie de la caste des « intouchables », une muraille vient de s’effondrer : le Fils de Dieu a touché l’intouchable, il l’a simultanément purifié, réhabilité, resocialisé et guéri… »

Au-delà du lien, c’est un geste d’amour d’une profonde humanité, qui restaure l’identité du lépreux.  A travers ce toucher, Jésus reconnaît en ce lépreux un visage d’homme, digne de relation, digne de la grâce de Dieu !

Nous ne sommes pas dans la situation du lépreux, bien heureusement ! Mais quel regard portons-nous sur celles et ceux qui ont été touchés par la pandémie ? Sur celles et ceux qui transgressent les gestes barrières et la distanciation ? Sur les personnes toujours plus nombreuses touchées par la précarité et l’exclusion ? Avec quels gestes d’amour pourrions-nous manifester notre humanité et notre foi en acte ?

Dans nos jugements parfois à l’emporte-pièce ou dans nos prises de distance face à la souffrance des autres, n’aurions-nous pas à nous laisser d’abord toucher par la souffrance de celles et ceux qui sont tombés malades, de celles et ceux qui n’en peuvent plus de vivre à distance des uns des autres, de celles et ceux qui vivent dans des espaces confinés sans possibilité de sortir :  les EMS, les prisons, les centres ou les camps pour requérants d’asile…

J’étais partie d’un constat au début de cette méditation : ce nouveau mode de vie est pesant à la longue, démotivant même, car nous sommes des êtres incarnés qui avons besoin de proximité.

Je suis invitée à regarder avec compassion cette part souffrante au lieu de me juger et de me dire : y a qu’à passer outre ! Dans ces moments de « manque », je décide de poser des actes qui m’aident à renouer avec la Vie qui circule en moi, autour de moi. Un coup de fil à une amie, une balade au bord du Doubs, une visite à un voisin à distance dans le jardin, une carte à une personne isolée, un acte de solidarité envers tel groupe de personnes, etc.

La force de compassion que Jésus nous communique est plus forte que nos jugements sur nous-même ou les autres, plus forte que tous les interdits imposés par la société, que toutes les exclusions sociales ou religieuses.

Sa force de compassion ne fait pas de nous des super-apôtres, ne nous met pas « hors la loi » en ignorant les gestes barrières et la distanciation de mise ne cette période de pandémie.

Elle nous amène à poser des actes concrets, elle vient du cœur, quand nous nous laissons toucher au plus profond de notre être, comme le Christ, par celui qui souffre.

Seul le commandement d’amour du Christ, avec un grand souffle de compassion sauvera le monde. Amen.

Chant : IL n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime, grande est ta bonté Seigneur envers nous.

https://www.youtube.com/watch?v=oySP7Wmzr_k&list=RD1t17Bk9j05o&index=18

Confession de foi

Je crois en toi qui viens à nous dans la discrétion des exclus de la salle commune et sur la paille réservée aux sans-abris

Je crois en toi qui viens à nous sur les routes habituelles où la fatigue ploie les corps dans la poussière de chaque jour

Je crois en toi qui viens dans la danse, dans les rires et dans la communion des fêtes

Je crois en toi qui viens à nous, habillé d’humilité, sans autre pouvoir que tes mains ouvertes pour l’offrande

Je crois en toi qui viens à nous comme tant d’autres cloué de souffrances et abandonné au silence de la solitude et de la peur

Je crois en toi qu’il est impossible de voir sans mourir, toi dont le Nom appelle l’agenouillement, toi qui viens pour être touché et aimé d’égal à égal !

Inspiré d’une prière de Charles Singer, dans Moissons, Ed. du Signe, 2008, Strasbourg.

Prière

Seigneur ! Ta Parole est vie !

Ton geste engage au-delà du raisonnable ! Et pourtant, tu es mon modèle.

Alors aujourd’hui, recevant ta Parole, donne-moi la grâce de l’audace pour réellement t’imiter dans l’attention aux lépreux de ce monde et dans l’engagement de tout mon être pour que ma prière de ce jour soit à ton exemple, capacité de toucher, de guérir, d’aimer.

Ouvre mes oreilles pour que je sois sensible à la détresse de nos frères.

Ouvre mes lèvres et transforme mes paroles pour qu’elles disent ta louange et

soutiennent au lieu de blesser, relèvent au lieu d’étouffer.

Ouvre mes mains pour qu’elles sachent partager et encourager.

Donne-moi, Seigneur, de risquer la force de compassion en acte et de prendre soin de l’humanité, de l’accueillir telle qu’elle est, blessée, malade, abandonnée, et parfois aussi durcie, violente, excessive, injuste. Amen.

Chant

Ouvre mes yeux, Seigneur, aux merveilles de ton amour. Je suis l’aveugle sur le chemin : guéris-moi, je veux te voir !

Ouvre mes mains, Seigneur, qui se ferment pour tout garder, le pauvre a faim devant ma maison : apprends-moi à partager !

Fais que je marche, Seigneur, aussi dur que soit le chemin, je veux te suivre jusqu’à la croix : Viens me prendre par la main.

Garde ma foi, Seigneur, tant de voix proclament ta mort ! Quand vient le soir et le poids du jour, ô Seigneur, reste avec moi !

Bénédiction

Que le Dieu de tendresse qui a levé Jésus d’entre les morts, fasse lever en nous ce qui est mort et nous conduise à la Vie ! Allons dans sa paix !

 Karin Phildius, pasteure

Canon de Pachelbel

Ressources :

François Varillon, La Parole est mon Royaume, Paris, Éd. du Centurion, 1986, p. 69-70.

Le sens chrétien du toucher